Un début de journée, sans prétention, sans but, sans objectif...
Je n’ai pas encore vraiment quitté le corps du sommeil, un corps sans forme, sans force, flasque. Les yeux mi-clos j’écoute la rumeur du Monde qui me parvient par la fenêtre de ma cuisine, pourtant fermée. Quand je dis "Monde", lisez plutôt "de mon quartier".
Il y a quelques jours seulement cette rumeur n’était que silence. Aujourd’hui elle est volubile, trépidante: des voitures, des bus, des travaux.
J’ouvre la fenêtre et des lambeaux de conversations s'immiscent dans la pièce: des morceaux de phrases, des mots entrecoupés par le bruit d’un marteau piqueur. Je n’entends plus les oiseaux, ils ont dû partir à l’annonce du déconfinement. La vie, "virusée", petite et muette est devenue la vie, petite, assourdissante et hystérique.
Je remarque que le ciel nuageux est beau, tellement beau. Je l'admire. Le talent d’un artiste peintre serait nécessaire pour l’accueillir ; l'intermédiaire bruyant et maladroit des mots pour le décrire ne lui rendrait pas hommage - et briserait ce magnifique moment de contemplation.
La voix d’une enfant se fait entendre: “Pourquoi les gens portent des masques ? Ils ont froid au nez ? C’est pour cacher qu'ça sent mauvais.” Je me dis que cette gamine va dans la parole avec toute la liberté et l'innocence de ses 4 ou 5 ans: sans filtres, sans jugements, elle dit ce qu’elle pense, tout simplement. Sans arrière-pensée. Ses paroles ne sont que des partages. Tellement d’effort et de concentration cette petite a dû manifester pour acquérir le langage qu’il est tout à fait compréhensible qu’elle l’utilise, et beaucoup. C'est surement le vocable qu’utilisent les parents: "beaucoup", et même "à tort et à travers", et même "silence !" ;p
Je suis là, et las, dans ma cuisine. Animée, néanmoins, d’une belle inertie: j’écoute, j'accueille, je regarde, j’oublie, sans trop réfléchir, sans trop commenter. C'est reposant !
Je jette un coup d’oeil à mon smartphone, qui à l’air tout sauf intelligent. Machinalement j’ouvre mon profil linkedin puis mon profil facebook. Je lis des citations ; je vois des articles de presse “réouverture des magasins, des files d’attente de quelques heures devant les enseignes de grandes marques” ; je visionne des vidéos de gens dans le métro entassés les uns derrière les autres, mais avec des masques (une protection, certes, mais à ce stade contre quoi d'ailleurs ? La fétide haleine matinale des personnes, peut-être, la fillette a raison) ; je regarde une annonce qui me propose de gagner pleins d’argent en créant des formations en ligne tandis qu’une autre m’assure: “avec moi et ma méthode infaillible, tu auras pleins de prospects” et une dernière me propose de “re-gagner confiance en moi et de trouver un sens à ma vie”, etc. Je vais finir sûr de moi, riche et débordé et ce sera ça, le sens de ma vie ! Wahou, quelle harassante journée les médias sociaux me profilent. C'est moins reposant !
Mon café est prêt, je m'empare de mon mug, encore fumant, et je me dirige vers mon bureau. Dans ma salle de travail l’avocatier me scrute, m’interpelle, me supplie, presque. Je ne prends pas assez soin de lui, je l’avoue. Lui qui remplit de vie cette petite pièce de 9 mètres carrés. Je le néglige, je ne le remercie pas à sa juste valeur. J’oublie de le nourrir, de lui donner à boire, souvent.
J’ai honte.
Je dépose ma tasse de café sur mon bureau, ce qui n'est pas aisé: mon bureau est un foutoir sans nom et sur lequel s'amoncellent des tas de papiers, une peau de banane et des résidus de tablette de chocolat, noir. Je prends mon petit arrosoir blanc et je vais le remplir: c’est l’heure du petit déjeuner !
Il est 9 heures, je bois mon café et la journée commence...
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