Surprise et épisode cosmologique: courage, résilience et bataille de la narration
Elle est là, tapi dans l’ombre, sournoise et moqueuse, n’attendant que son moment: son jour, son heure. Elle somnole, elle gigote, elle se tortille sous sa couette, elle serpente sur elle-même. Elle hésite: va-t-elle se lever ou va-t-elle rester couché ? Soudain, c’est l'illumination et elle apparaît: c’est la surprise, inattendue et parfois cruelle invitée.
Rares sont les entreprises qui font l’éloge des surprises. Bonnes ou mauvaises, les sociétés ne les aiment pas - même si accueillir une bonne surprise est plus agréable. Épreuve d’un vrai courage, les surprises ont la fâcheuse habitude de leur montrer un autre visage de la réalité et de leur dire: vos croyances, vos modèles mentaux, votre perception - photo de la réalité - tout cela est maintenant faux !
Après tout, un modèle n’est qu'une simplification de la réalité, une simplification de la complexité du Monde. Une cartographie plus ou moins fidèle de notre environnement. Le postulat étant: comme tout prendre en compte n’est pas possible, alors prenons ce qui semble le plus pertinent. Tel un séisme balafrant votre bâtisse, la surprise laisse derrière elle une trace indélébile ; qui nous montre un écart entre la réalité et notre modèle mental.
Que faire ? La nier ou l’accueillir ; la fuir ou l’affronter.
A la balafre qui sillonne votre mur, vous pouvez soit choisir de la cacher - en y posant un papier peint, en y accrochant un tableau ou une tenture - soit l’examiner attentivement et colmater ce disgracieux et non désiré interstice. Comme l’explique Philippe Silberzahn: "Le propre d’une surprise est de mettre en lumière un élément de nos modèles mentaux (croyances profondes qui guident notre action) et de l’invalider. Notre modèle nous indiquait que le monde allait dans la direction A, mais il s’avère aller dans la direction B et nous sommes surpris. Cette surprise peut avoir des conséquences plus ou moins graves. La plupart du temps la réaction consistera à l’ignorer." Une réaction instinctive !
Osez regarder en face la surprise et creuser dans son sens, c’est faire preuve d’audace et de résilience. C’est aussi consommer une grande quantité d’énergie, et en terme de dépense d’énergie la tendance est souvent à la préservation: point trop n’en faut.
Néanmoins, faire preuve d’aveuglement n’est pas toujours possible. "Si la surprise montre un décalage très important entre une croyance et la réalité, elle constitue ce que le spécialiste de la théorie des organisations Karl Weick appelle un épisode cosmologique, c’est-à-dire un choc particulièrement grave qui peut remettre en question notre identité-même: le décalage est trop important pour pouvoir être nié et l’événement est tellement inattendu et puissant qu’il ne peut être interprété par nos modèles mentaux existants, entraînant leur effondrement et celui de notre identité par la même occasion."
Paradoxalement, un épisode cosmologique, même puissant, peut renforcer un modèle mental existant. Pour ne pas avoir tort on va tout faire pour avoir raison, ; c’est comme l’expression, au niveau d’une l'entreprise ou d’une société, d’une sorte de dissonance cognitive*: "on va revisiter l'histoire, on va triturer le passé, on va se donner raison."
Pour les citations de Philippe Silberzahn, lire son billet de blog:"Le coronavirus ou comment les crises bouleversent nos modèles mentaux"
Rares sont les entreprises qui font l’éloge des surprises. Bonnes ou mauvaises, les sociétés ne les aiment pas - même si accueillir une bonne surprise est plus agréable. Épreuve d’un vrai courage, les surprises ont la fâcheuse habitude de leur montrer un autre visage de la réalité et de leur dire: vos croyances, vos modèles mentaux, votre perception - photo de la réalité - tout cela est maintenant faux !
Après tout, un modèle n’est qu'une simplification de la réalité, une simplification de la complexité du Monde. Une cartographie plus ou moins fidèle de notre environnement. Le postulat étant: comme tout prendre en compte n’est pas possible, alors prenons ce qui semble le plus pertinent. Tel un séisme balafrant votre bâtisse, la surprise laisse derrière elle une trace indélébile ; qui nous montre un écart entre la réalité et notre modèle mental.
Que faire ? La nier ou l’accueillir ; la fuir ou l’affronter.
A la balafre qui sillonne votre mur, vous pouvez soit choisir de la cacher - en y posant un papier peint, en y accrochant un tableau ou une tenture - soit l’examiner attentivement et colmater ce disgracieux et non désiré interstice. Comme l’explique Philippe Silberzahn: "Le propre d’une surprise est de mettre en lumière un élément de nos modèles mentaux (croyances profondes qui guident notre action) et de l’invalider. Notre modèle nous indiquait que le monde allait dans la direction A, mais il s’avère aller dans la direction B et nous sommes surpris. Cette surprise peut avoir des conséquences plus ou moins graves. La plupart du temps la réaction consistera à l’ignorer." Une réaction instinctive !
Osez regarder en face la surprise et creuser dans son sens, c’est faire preuve d’audace et de résilience. C’est aussi consommer une grande quantité d’énergie, et en terme de dépense d’énergie la tendance est souvent à la préservation: point trop n’en faut.
Néanmoins, faire preuve d’aveuglement n’est pas toujours possible. "Si la surprise montre un décalage très important entre une croyance et la réalité, elle constitue ce que le spécialiste de la théorie des organisations Karl Weick appelle un épisode cosmologique, c’est-à-dire un choc particulièrement grave qui peut remettre en question notre identité-même: le décalage est trop important pour pouvoir être nié et l’événement est tellement inattendu et puissant qu’il ne peut être interprété par nos modèles mentaux existants, entraînant leur effondrement et celui de notre identité par la même occasion."
Paradoxalement, un épisode cosmologique, même puissant, peut renforcer un modèle mental existant. Pour ne pas avoir tort on va tout faire pour avoir raison, ; c’est comme l’expression, au niveau d’une l'entreprise ou d’une société, d’une sorte de dissonance cognitive*: "on va revisiter l'histoire, on va triturer le passé, on va se donner raison."
Nous sommes tous capables de croire des choses que nous savons être fausses, puis, quand notre erreur est finalement évidente, de déformer impudemment les faits afin de prouver que nous avions raison. Intellectuellement, il est possible de continuer à procéder ainsi pendant une durée indéterminée : seul s'y oppose le fait que, tôt ou tard, une conviction erronée se heurte à la dure réalité, généralement sur un champ de bataille, George OrwellConcrètement, quels sont les risques ?
- On peut simplement tirer une mauvaise leçon de la surprise,
- On peut tenter, vaille que vaille, de faire des liens, aussi absurdes que grotesques pour arriver à une conclusion ubuesque que tout “sophiste” applaudira des deux mains en s'exclamant, goguenard: quel tour de passe-passe, quelle insolence, quelle foisonnante imagination ! Pléthore de gens sont tellement amoureux de leurs idées (et identifiés à elles) que tout est bon à prendre pour les confirmer: admirer avec quelle hardiesse certains récupèrent une cause ou un évènement pour leur gloire et leur vérité.
- Etre humble et se rappeler cette citation de Boris Cyrulnik: "Moins on a de connaissances plus on a de certitudes. Il faut avoir beaucoup de connaissances et se sentir assez bien dans son âme pour oser envisager plusieurs hypothèses."
- Evitez de faire rentrer un rond dans un carré.
- Agir avec un peu de recul, une fois l'émotion apaisée.
"La Rivière de la Surprise nous maintient fluides et flexibles, et nous demande de nous ouvrir à des options et des possibilités que nous pourrions ne pas avoir considérées. Les Inuits ont un proverbe à ce sujet : "Il existe deux plans pour chaque jour, mon plan, et le plan du Mystère," Angeles Arrien, "the Second Half of Life"* Notion de psychologie qui dispose que "nous déformons systématiquement nos souvenirs et nos récits de manière à maintenir la plus grande consonance possible entre ce que nous avons fait et ce que nous pensons être. Notre mémoire fait disparaître les dissonances. «Historienne révisionniste», elle réinterprète le passé à l’aune de nos intérêts présents," "Pourquoi j'ai toujours raison, et les autres ont tort", Carol Tavris & Elliot Aronson, Clés des Champs / Flammarion, 415 pages
Pour les citations de Philippe Silberzahn, lire son billet de blog:"Le coronavirus ou comment les crises bouleversent nos modèles mentaux"
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