La richesse cachée des nations, enquête sur les paradis fiscaux
« Le capital n’est pas mobile, il est dissimulable. L’Europe se vole elle-même, » Gabriel Zucman, La Richesse cachée des nations, Seuil, 2013
« Les paradis fiscaux sont au cœur de la crise européenne, mais personne ne sait trop comment s’y attaquer », explique Gabriel Zucman, en préambule de son livre « La richesse cachée des nations », avant de rajouter: « les paradis fiscaux ne se sont jamais aussi bien portés (…) les “victoires” ne sont nulle part dans les chiffres. L’impunité pour les fraudeurs est quasi totale. Les engagements pris par les paradis fiscaux sont bien trop flous et les moyens de contrôle bien trop faibles pour pouvoir espérer une quelconque amélioration dans les années à venir. » De manière pédagogique, et scientifique, Zucman propose un plan d’action « concret, réaliste » et chiffré afin de stopper l’évasion fiscale.
La Suisse, de la naissance d’un paradis fiscal. L’histoire helvète en tant que place offshore débute en 1920, quand, « à la suite de la première guerre mondiale, les principaux pays se mettent à taxer fortement les grandes fortunes. »
A la sortie de la Grande Guerre, l’État français, notamment, s’engage à indemniser les victimes et à payer les retraites des anciens combattants: « le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu est porté de 50 % en 1920 et il atteint 72% en 1924.» Par ailleurs, le patrimoine des grandes fortunes est essentiellement mobilière, et non plus terrien, qui plus est, leurs richesses sont composées de titres financiers ( qui ne sont pas nominatifs, mais “au porteur”): actions et obligations émises par les entreprises privées ou par la puissance publique. Dans ces conditions, « l’industrie de l’évasion fiscale peut naitre. »
Alors, la gestion de fortune se démocratise et devient accessible « à tous les petits capitalistes (…) Le service de base consiste à fournir un coffre dans lequel les épargnants peuvent conserver leurs actions et leur obligations. La banque s’occupe ensuite de récolter les dividendes et intérêts.» Sans risque, les épargnants, fraudeurs, omettent de les déclarer: « il n’ y a aucune communication entre les établissements helvètes et les pays étrangers. »
A la sortie de la Grande Guerre, l’État français, notamment, s’engage à indemniser les victimes et à payer les retraites des anciens combattants: « le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu est porté de 50 % en 1920 et il atteint 72% en 1924.» Par ailleurs, le patrimoine des grandes fortunes est essentiellement mobilière, et non plus terrien, qui plus est, leurs richesses sont composées de titres financiers ( qui ne sont pas nominatifs, mais “au porteur”): actions et obligations émises par les entreprises privées ou par la puissance publique. Dans ces conditions, « l’industrie de l’évasion fiscale peut naitre. »
Alors, la gestion de fortune se démocratise et devient accessible « à tous les petits capitalistes (…) Le service de base consiste à fournir un coffre dans lequel les épargnants peuvent conserver leurs actions et leur obligations. La banque s’occupe ensuite de récolter les dividendes et intérêts.» Sans risque, les épargnants, fraudeurs, omettent de les déclarer: « il n’ y a aucune communication entre les établissements helvètes et les pays étrangers. »
En Suisse, la loi sur le secret bancaire n’entre en vigueur qu’en 1935. Pour beaucoup, elle a une portée humanitaire: « elle aurait été édictée pour protéger les juifs fuyant les spoliations, » explique Gabriel Zucman: « de nombreux Suisse sont fiers du secret bancaire, parce qu’il a des origines admirables ( la loi l’instituant fut votée dans les années 1930 pour aider les Juifs persécutés à protéger leurs épargnes, » écrit le journalThe Economist en 1996. Toutefois, ce mythe est « battu en brèche par de nombreuses recherches historiques », entonne Gabriel Zucman, avant de rajouter: « De 1920 à 1929, la croissance réelle de l’ensemble des avoirs sous gestion est de 14 % par an en moyenne. De 1930 à 1939, elle n’est que de 1 %. Les deux phases de croissance les plus rapides sont les années 1921-1922 et les années 1925-1927, ce qui est immédiatement postérieur aux années du durcissement de la fiscalité sur les grandes fortunes de France. C’est la loi sur le secret bancaire qui a suivi les premiers afflux massifs, et non l’inverse. » Le produit de l’évasion fiscale se partage entre les fraudeurs et les banques, qui facturent leurs prestations.
Dans les années 1980, après un relatif monopole helvète, d’autres paradis fiscaux émergent, notamment Londres. Néanmoins, l’auteur précise que ces derniers ne forment pas vraiment une vile concurrence. La Suisse dispose de filiales bancaires dans chacun de ces paradis fiscaux et son activité de gestion de fortune continue de prospérer. Aujourd’hui, selon ses estimations, les fortunes étrangères en Suisse s’élève à 1800 milliards d’euros, dont 1000 milliards appartiennent à des européens (ce qui représente 6% du patrimoine financier de l’Union Européenne.)
Dans les années 1980, après un relatif monopole helvète, d’autres paradis fiscaux émergent, notamment Londres. Néanmoins, l’auteur précise que ces derniers ne forment pas vraiment une vile concurrence. La Suisse dispose de filiales bancaires dans chacun de ces paradis fiscaux et son activité de gestion de fortune continue de prospérer. Aujourd’hui, selon ses estimations, les fortunes étrangères en Suisse s’élève à 1800 milliards d’euros, dont 1000 milliards appartiennent à des européens (ce qui représente 6% du patrimoine financier de l’Union Européenne.)
A l’échelle globale, environ 8 % du patrimoine financier des ménages se trouve dans les paradis fiscaux. Une estimation a minima qui pourrait atteindre 10 ou 11 %, selon Gabriel Zucman. Sachant que le patrimoine financier mondial est de 73 000 milliards d’euros, 5800 milliards d’euros sont donc détenus sur des comptes offshore ( dont le tiers en Suisse).
En outre, « les ménages fortunées n’utilisent pas les paradis fiscaux pour laisser leur millions dormir sur des comptes courants ou peu rémunérés. L’argent des paradis fiscaux ne dort pas, il alimente les marchés financiers internationaux,» précise Gabriel Zucman. Au niveau mondial, « le rendement moyen du capital privée, toutes classes d’actifs confondues ( actions, obligations, dépôt bancaires, etc.) a été de 5 % par an au cours des dix derniers années. » Dés lors, les pertes annuelles des recettes fiscales totales dues au secret bancaire sont de 130 milliards d’euros. Plus précisément, voici la ventilation de ce « manque à gagner » pour les États :
- Fraude à l’’impôt sur le revenu: 80 milliards d’euros ( 9 milliards pour la France)
- Fraude à l’impôt des successions: 45 milliards d’euros ( 4 milliards pour la France)
- Fraude à l’impôt sur la fortune: 5 milliards d’euros ( 4 milliards pour la France)
- Fraude à l’’impôt sur le revenu: 80 milliards d’euros ( 9 milliards pour la France)
- Fraude à l’impôt des successions: 45 milliards d’euros ( 4 milliards pour la France)
- Fraude à l’impôt sur la fortune: 5 milliards d’euros ( 4 milliards pour la France)
Au niveau de la France, les pertes sont de 17 milliards d’euros, soit 1% du PIB. Aussi, comme le révèle l’auteur: « A la fin 2013, la dette publique s’élève à 94 % du PIB. Sans la fraude des particuliers dans les paradis fiscaux, elle serait de 70 % (…) Chaque année, en effet, l’État, parce qu’il a été privée des impôts évadés depuis des comptes cachés, a du s’endetter davantage. »
« Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur, » W. Churchill. De nos jours, des solutions existent, et d’autres ont, jadis, été tenté. Cependant, toutes se sont soldées par de cuisants échecs, et dont les principales causes ont été: l’absence de contrainte et l’absence de vérification. «Il faut donc des sanctions concrètes, à la hauteur des pertes que provoque le secteur bancaire, un cadastre financier mondial, et un impôt global sur le capital financier. »
De l’abyssal écart entre les mirobolantes proclamations et les actes. L’exemple de la directive épargne, cette mesure phare de l’UE qui s’applique depuis le 1er juillet 2005, illustre parfaitement ces échecs. En l’espèce, deux lacunes sont à déplorer.
Déjà, ce dispositif ne concerne que les intérêts, pas les dividendes. « D’entrée de jeu, la directive exclue arbitrairement de son champ d’application l’essentiel des fortunes dissimulées.» Aussi, deuxième faille: « tous les pays de l’UE n’y participent pas sur un pied d’égalité: le Luxembourg et l’Autriche bénéficient d’un régime de faveur, » où le secret bancaire est toujours en vigueur. « Au lieu de l’échange d’information, les deux états appliquent une retenue à la source de 35 %. » Mais le dispositif: « ne s’applique qu’aux comptes détenus en mains propre par des particuliers, pas à ceux possédés par intermédiaire de sociétés-écrans, de trusts , de fondations. » Or, il est tellement aisé, et rapide, de constituer ces structures que cet impôt ressemble plus au frère caché de ce bon vieux roi Midas, et ne rapporte pratiquement rien. « L’absence de sanctions, la dissimulation via des sociétés-écrans et la confiance aveugle faites aux banquiers ont provoqué la faillite de la directive, » conclu Zucman.
Déjà, ce dispositif ne concerne que les intérêts, pas les dividendes. « D’entrée de jeu, la directive exclue arbitrairement de son champ d’application l’essentiel des fortunes dissimulées.» Aussi, deuxième faille: « tous les pays de l’UE n’y participent pas sur un pied d’égalité: le Luxembourg et l’Autriche bénéficient d’un régime de faveur, » où le secret bancaire est toujours en vigueur. « Au lieu de l’échange d’information, les deux états appliquent une retenue à la source de 35 %. » Mais le dispositif: « ne s’applique qu’aux comptes détenus en mains propre par des particuliers, pas à ceux possédés par intermédiaire de sociétés-écrans, de trusts , de fondations. » Or, il est tellement aisé, et rapide, de constituer ces structures que cet impôt ressemble plus au frère caché de ce bon vieux roi Midas, et ne rapporte pratiquement rien. « L’absence de sanctions, la dissimulation via des sociétés-écrans et la confiance aveugle faites aux banquiers ont provoqué la faillite de la directive, » conclu Zucman.
Des sanctions commerciales. En 1962, les français qui résident à Monaco ne paient pas d’impôt sur le revenu. Le prince Rainier n’en démord pas, et souhaite conserver ce privilège accordé aux francilliens. Mais de Gaulle: « ne l’entend pas de cette oreille et envoie rétablir la frontière douanière entre la France et Monaco (…) S’ils ne coopèrent pas, les Monégasques s’exposent à être coupés du Monde. » Finalement, à bout de souffle, voyant que le jeu n’en valait pas la chandelle, la principauté abdique.
Un projet de tarifs douaniers et des menaces de sanctions commerciales proportionnées. Un fait: «Le secret bancaire est une forme déguisé de subventions qui donne aux banques offshore un avantage concurrentiel. Ces formes de subventions cachées entravent le bon fonctionnement des marchés. Or, l’une des missions de l’OMC est de décourager les pratiques déloyales, en autorisant les pays victimes à imposer des droits de douane supplémentaire compensant le préjudice subit. »
Pour Gabriel Zucman, l’exemple Monégasque n’est plus dans sa dimension bilatérale; et cette lutte entre deux Etats. De nos jours, il faut que les pays se coalisent afin d’arriver au même résultat. Et selon chaque coalition, Gabriel Zucman calcule le tarif qui compenserait les pertes causées par l’évasion fiscale. Bien sur, ce sont des sanctions, « ce sont des menaces à agiter, qui, idéalement n’auront jamais a être appliquées. »
Un projet de tarifs douaniers et des menaces de sanctions commerciales proportionnées. Un fait: «Le secret bancaire est une forme déguisé de subventions qui donne aux banques offshore un avantage concurrentiel. Ces formes de subventions cachées entravent le bon fonctionnement des marchés. Or, l’une des missions de l’OMC est de décourager les pratiques déloyales, en autorisant les pays victimes à imposer des droits de douane supplémentaire compensant le préjudice subit. »
Pour Gabriel Zucman, l’exemple Monégasque n’est plus dans sa dimension bilatérale; et cette lutte entre deux Etats. De nos jours, il faut que les pays se coalisent afin d’arriver au même résultat. Et selon chaque coalition, Gabriel Zucman calcule le tarif qui compenserait les pertes causées par l’évasion fiscale. Bien sur, ce sont des sanctions, « ce sont des menaces à agiter, qui, idéalement n’auront jamais a être appliquées. »
Ensuite, Zucman propose de construire, sous la tutelle du Fond Monétaire International, un cadastre financier du monde. Ce cadastre peut facilement être créé, à condition de fusionner tous ceux qui existent déjà. Concrètement, « il s’agit d’un registre indiquant qui possède l’ensemble des titres financiers en circulations, les actions, les obligations et les parts de fonds d’investissement du monde entier. L’utilité est de permettre aux administrations fiscales de vérifier que les banque onshore et offshore leurs transmettent toutes les données dont elles disposent. » Enfin, grâce à ce cadastre financier, Zucman suggère un impôt mondial sur le capital.
« Chaque partie étant pleine de vices. Le tout était cependant un paradis. » ( Mandeville) Éclairant, «La richesse cachée des nations » de Gabriel Zucman lève ainsi le voile sur les paradis fiscaux en tentant, au sein de l’opacité qui y règne, de chiffrer les pertes fiscales occasionnées pour les Etats, et surtout, de présenter des solutions concrètes afin de mettre fin à l’évasion fiscale. Ces paradis ne sont pas une fatalité. De l’audace, de la détermination doivent guider les Etats dans cette lutte.
Le système financier international est un homme cancéreux que les paradis fiscaux, territoires métastase-iques, rongent consciencieusement. A son chevet, les serments d’hypocrites s’enchainent: les centres offshore sont le remède, le palliatif lié aux insuffisances du système financier international. Par leurs soins, «les capitaux se déplacent plus vite dans l’économie et rencontrent moins d’obstacles. » C’est aussi le culte du secret « médical »: je ne sais rien, je n’entends, je ne vois rien. Le patient se plaint. Gesticule. Souffre. Mais les oreilles restent sourdes. Jusqu’à la casse. Jusqu’à la crise…
Qu’il est loin le système de Bretton-Woods ; né après la seconde guerre mondiale et qui portait au pinacle une finance bien régulée et transparente. Comme le déclare le journaliste financier Nicholas Shaxson: « Certains aujourd’hui considèrent cette période comme l’âge d’or du capitalisme: le commerce était libre (relativement), mais pas la finance ; il y avait une forte croissance économique, peu de crises financières et les inégalités se réduisaient » et de rajouter que : « tout récemment le FMI (institution née de ces accords de Bretton-Woods, ndlr) a estimé que le contrôle des capitaux n’était peut-être pas une si mauvaise idée que ça. » Pour lire la suite, cliquez ici !
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