A votre ennemi, mieux vaut demander une faveur, ou en accorder une ? Effet Franklin et dissonance cognitive
Comment faire pour que l’un de vos détracteurs vous apprécie ? En lui accordant une faveur ou, au contraire, en lui en demandant une. A cette question, l'homme politique américain Benjamin Franklin trancha et répondit d’une manière contre intuitive: demandez-lui une faveur, et il vous parlera, et il vous appréciera ! Merci la dissonance cognitive !
Bibliophile averti et un homme de lettre reconnu, Benjamin Franklin entre dans la sphère politique en 1736 - lorsqu’il remporte l’élection de Secrétaire d’État à l’Assemblée Générale. A la fin de son mandat, l’un de ses opposants politique, un homme d’influence, menace sa réélection. Quelle stratégie à adopter ? Comment le combattre ? Comment diminuer sa virulence ? Comment dialoguer avec une personne qui refuse de vous adresser la parole ? Comment modifier l’image et l’opinion que cette personne possèdent de moi ? Ces interrogations tournent en boucle dans la tête de Franklin.
Un jour, Franklin décide, tout simplement, de prendre sa plume et d’écrire à son adversaire: "J’ai entendu dire que vous aviez dans votre bibliothèque un livre aussi rare que curieux," auriez-vous la bonté et la faveur de me le prêter ? Ce qu’il fit, volontiers: quelques jours plus tard, Benjamin Franklin reçut l’opus en question, qu'il parcourut. Avant de le rendre à son propriétaire, Franklin lui exprima, dans une longue missive, toute sa gratitude.
A qui rendons-nous des services ? A des personnes que nous apprécions - le plus souvent, pour ne pas dire toujours, c’est ce que nous faisons, logiquement. Si jamais nous rendons des services à des gens que nous n’apprécions pas, nos actes se cognent alors contre le mur "logique". Notre cerveau traduit cela comme une incohérence. Dès lors, se crée ce que l’on appelle en psychologie une dissonance cognitive - "qui est l’état de tension dans lequel se trouve une personne qui à deux cognitions (idées, attitudes, croyances, opinions) psychologiquement incompatibles, telles que "fumer est une habitude stupide: on peut en mourir" et "je fume deux paquets par jour", ou je prête un livre à l’un de mes opposant politique ("Pourquoi j'ai toujours raison, et les autres ont tort," Carol Tavris & Elliot Aronson). Ce faisant, un mécanisme de rationalisation / d’auto-justification se met en place: nous rectifions le tir, et nous nous convainquons que nous apprécions effectivement cette personne - afin que notre opinion soit en harmonie avec notre acte.
Sources:
"Having heard that he had in his library a certain very scarce and curious book, I wrote a note to him, expressing my desire of perusing that book, and requesting he would do me the favour of lending it to me for a few days. He sent it immediately, and I return'd it in about a week with another note, expressing strongly my sense of the favour," Benjamin FranklinComment ramener à sa cause un virulent opposant politique ? Comment instaurer un espace de dialogue avec un contradicteur qui, viscéralement, vous déteste ? Comment lui faire changer d’opinion sur la personne que vous êtes ? Comment ne pas se le mettre dos, de façon irraisonnée ?
Bibliophile averti et un homme de lettre reconnu, Benjamin Franklin entre dans la sphère politique en 1736 - lorsqu’il remporte l’élection de Secrétaire d’État à l’Assemblée Générale. A la fin de son mandat, l’un de ses opposants politique, un homme d’influence, menace sa réélection. Quelle stratégie à adopter ? Comment le combattre ? Comment diminuer sa virulence ? Comment dialoguer avec une personne qui refuse de vous adresser la parole ? Comment modifier l’image et l’opinion que cette personne possèdent de moi ? Ces interrogations tournent en boucle dans la tête de Franklin.
Un jour, Franklin décide, tout simplement, de prendre sa plume et d’écrire à son adversaire: "J’ai entendu dire que vous aviez dans votre bibliothèque un livre aussi rare que curieux," auriez-vous la bonté et la faveur de me le prêter ? Ce qu’il fit, volontiers: quelques jours plus tard, Benjamin Franklin reçut l’opus en question, qu'il parcourut. Avant de le rendre à son propriétaire, Franklin lui exprima, dans une longue missive, toute sa gratitude.
Prends le temps de choisir un ami, mais sois plus lent encore à le changer, Benjamin FranklinCe qu’il se passa ensuite ? Benjamin Franklin le décrit dans son autobiographie: "Lorsque nous nous sommes revus à la Chambre des députés, il s’est adressé à moi (ce qu’il n’avait jamais fait auparavant) avec beaucoup de civilité et, dans les temps qui ont suivi, a toujours exprimé son empressement à se mettre à mon service. Nous sommes devenus de grands amis, et cette amitié a perduré jusqu’à sa mort." En effet, pour justifier sa générosité son adversaire dût changer la vision qu’il avait de Franklin. Et à Benjamin Franklin de rajouter: "Celui qui vous a déjà fait une faveur sera plus à même de vous en faire une autre que celui que vous avez vous-même obligé." C'est ce que nous dénommons, de nos jours, l'effet Franklin.
A qui rendons-nous des services ? A des personnes que nous apprécions - le plus souvent, pour ne pas dire toujours, c’est ce que nous faisons, logiquement. Si jamais nous rendons des services à des gens que nous n’apprécions pas, nos actes se cognent alors contre le mur "logique". Notre cerveau traduit cela comme une incohérence. Dès lors, se crée ce que l’on appelle en psychologie une dissonance cognitive - "qui est l’état de tension dans lequel se trouve une personne qui à deux cognitions (idées, attitudes, croyances, opinions) psychologiquement incompatibles, telles que "fumer est une habitude stupide: on peut en mourir" et "je fume deux paquets par jour", ou je prête un livre à l’un de mes opposant politique ("Pourquoi j'ai toujours raison, et les autres ont tort," Carol Tavris & Elliot Aronson). Ce faisant, un mécanisme de rationalisation / d’auto-justification se met en place: nous rectifions le tir, et nous nous convainquons que nous apprécions effectivement cette personne - afin que notre opinion soit en harmonie avec notre acte.
Nous sommes tous capables de croire des choses que nous savons être fausses, puis, quand notre erreur est finalement évidente, de déformer impudemment les faits afin de prouver que nous avions raison. Intellectuellement, il est possible de continuer à procéder ainsi pendant une durée indéterminée : seul s'y oppose le fait que, tôt ou tard, une conviction erronée se heurte à la dure réalité, généralement sur un champ de bataille, George Orwell"Comment pouvez-vous utiliser cette technique à votre avantage ?," se demande Olivia Fox Cabane, auteure de "Le charisme démythifié", "vous pouvez bien sûr appeler votre opposant à l’aide, ou lui demander une faveur quelconque. Mais ce qui est préférable, c’est de solliciter une pensée qui n'entraîne aucun coût: son opinion. Demander à une personne de vous faire part de son opinion est une meilleure stratégie que de lui demander conseil. Pourquoi ? Parce qu’un conseil nécessite davantage d'effort, et que la personne doit façonner une recommandation s’accordant à la situation. Alors que son opinion demande simplement qu’elle émette ce qui lui vient à l’esprit."
Nous déformons systématiquement nos souvenirs et nos récits de manière à maintenir la plus grande consonance possible entre ce que nous avons fait et ce que nous pensons être, Carol Tavris & Elliot Aronson
Sources:
- Benjamin Franklin, autobiography and other writings
- Olivia Fox Cabane, "Le charisme démythifié"
- Carol Tavris & Elliot Aronson, "Pourquoi j'ai toujours raison, et les autres ont tort", Clés des Champs / Flammarion, 415 pages
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