Voyage en Italie et effet du spectateur
Dans moins de deux semaines, je pars en Italie avec des amis. Où va-t-on exactement ?, Ou loge-t-on précisément ?, Que fera-t-on sur place ?, je ne sais, et ma contribution à ces vacances illustre, plus ou moins, l’effet badaud, ou l’effet du spectateur ou l'effet témoin: « Plus il y a de personnes présentes dans une situation donnée, moins nous sommes susceptibles d’intervenir si quelqu’un a besoin d’aide. » Tout débute en mars 1964, à New-York. Dans le district de Kew Gardens.
Rubrique faits-divers. Le 27 mars 1964, sous la plume de Martin Gansberg, un petit article du New-York Times, « Thirty-Eight Who Saw Murder Didn't Call the Police », annonce le sordide crime d’une gérante de bar, Kitty Genovese, retrouvée morte devant chez elle. Poignardée et violée. 1160 mots en noir et blanc noyés dans un flots de nouvelles au sein du prestigieux quotidien new-yorkais. 1160 mots en noir et blanc qui dénoncent la banalité d’un crime dans un quartier réputé sensible. 1160 mots en noir et blanc qui auraient pu passer inaperçus:
« A kew Gardens, dans le Queens, pendant plus d’une demi-heure, 38 honnêtes citoyens respectueux des lois ont regardé un assassin s'attaquer à une femme et la poignarder à trois reprises. Pas un seul n’a téléphoné à la police durant l’agression; un témoin l’a simplement appelé après la mort de la victime. »
Néanmoins, devant cette irrecevable apathie, ce profond égoïsme, ce court récit défraya la chronique. Comment 38 personnes ont-elles pu passivement assister à ce crime ? Comment 38 personnes ont-elles pu ignorer ce qui se passaient devant leurs yeux ? Comment expliquer cette inhumaine non réaction ?
Des réponses furent apportées 4 ans plus tard par deux psychologues, John Darley er Bibb Latane qui, expérimentalement, reproduisirent l’effet du spectateur. Une personne simule un malaise dans une pièce: il tombe. Cette salle est tantôt peuplée d'une personne, puis de deux, puis de trois, puis de quatre, etc. Le constat: la demande d'aide est d'autant plus prompt que la victime est avec un nombre restreint de personne.
Pourquoi ?
- L'influence sociale. Devant une telle situation, l'individu lambda commence par observer son environnement, et les réactions de ses congénères.
- L'appréhension de l'évaluation. L'individu observe, et donc, se sait observé. Partant, chacun a peur du jugement de l'autre: Et si je me trompe ? Et si j'ai mal évalué la situation ? Et si j'interviens d'une manière inadéquate ? Que vont penser et dire les gens ?
- La dilution de la responsabilité. Dans cet environnement, avec cette peur de l'échec, chacun se décharge sur l'autre de sa responsabilité, qui est t'aider la victime. Pourquoi moi, et pourquoi pas lui ?, se disent-ils.
Et ce n'était pas (aussi) vrai ? En 1974, Joseph De May Junior emménage à Kew gardens et décide de se consacrer à cette affaire. Ses révélations seront repris dans un ouvrage, « The Kitty Genovese murder and the social psychology of helping: The parable of the 38 witnesses » (2007), écrit par Rachel Manning, Mark Levine et Alan Collins.
Exagération du nombre de témoins, imprécision quant à la séquences du meurtre ( qui s'est déroulé en deux fois, et non pas en trois), contradiction de témoins qui affirment avoir appelé la police, etc. Joseph De May dénonce les erreurs factuelles de l'article de Martin Gansberg, qui a inspiré les travaux de Darley et Latane.
De l'apathie à l'empathie, de l'inaction à l'action. Par ailleurs, quelques jours plus tard, dans un autre quartier du Queens, un homme sort d'une maison avec un téléviseur. Un voisin s'approche, et lui demande ce qu'il fait. L'individu explique qu'il aide la famille Bannister à déménager. Une fois chez lui, le voisin en appelle un autre: « Tu es au courant que la famille Bannister déménage ? » Le deuxième voisin répond: « Pas du tout », et appelle la police. Pendant ce temps, le premier voisin, discrètement, dévisse le bouchon d'essence de la voiture du soit disant déménageur. Winston Mosely se fera arrêter pour vol. Et il avouera un crime, le meurtre de Kitty Genovese.
« En résumé, un homme qui s'est rendu tristement célèbre en assassinant une femme sans que les voisins de cette femme interviennent s'est finalement fait prendre grâce à l'intervention des voisins de se victime suivante », écrivent S. D Levitt et S. J. Dubner, dans leur ouvrage « SuperFreakonomics ».
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