L'art de poser des questions, le méta-modèle linguistique

Mes parents, mes professeurs, n'avaient de cesse de me répéter à longueur de journée: « Celui qui pose une question risque pendant cinq minutes d'avoir l'air bête. Celui qui ne pose pas de questions restera bête toute sa vie. » Toutefois, je n'arrivais à m'en convaincre. En effet, j’avais cette croyance limitante que poser des questions n’était pas bien vu par mon allocutaire. Que c’était, pour lui, anxiogène: « Avec toutes ces interrogations, je suis pénible, je l‘étouffe, je suis pire qu'un gamin de 3 ans qui pose toutes les 3 minutes la question: "et pourquoi ?" » pensais-je. Que cela ne me rendait pas service, que cela bafouait mon intelligence: « Tu passes soit pour un béotien, soit pour un con, soit pour un membre du FSB (l’héritier du KGB), » se plaisait à déblatérer cette entêtante petite voix intérieure avant de conclure: « respect, efficacité, estime de toi: il est préférable de comprendre par toi-même. » Puis, j’ai découvert que poser des questions était un art. Et que cet art permettait une meilleure communication, une meilleure compréhension d’une situation, et de son interlocuteur.

« Comment étaient tes vacances ?, dis-je à une amie
Elles étaient bien. Je n’étais pas stressée. On m’avait dit qu’en Bretagne, il faisait toujours mauvais. C’est faux. »

Si je souhaite vraiment comprendre les vacances de mon amie, si je souhaite rentrer dans son expérience, sa réponse a autant de consistance qu'une feuille de salade ingurgitée par un sportif après un intense effort. Il reste sur sa faim.
Au final, je n’apprends pas grand chose: Que signifie, pour elle, ce « bien » ? Qui est ce « on » ? Que vient faire le « je n’étais pas stressée » ?, etc.
Ayant vécu une grande partie de ma vie dans le feu pays de la Bigouden, je peux « halluciner » les paroles de ma globe-trotteuse d’amie. En d’autres termes, je peux combler les blancs.
Ce faisant, toutefois, ce ne sont pas ses vacances que j’apprécie. Ce sont ses vacances telles que je me l’imagine.

Combler les blancs dans une conversation est une tendance de l’être humain. Comme le sous-entend l’aphorisme du philosophe Alfred Korzybski: « La carte n’est pas le territoire », pléthore de problèmes de communication viennent de la confusion entre la carte (soit la représentation que chacun se fait du Monde) et le territoire (soit la réalité). Or, le langage est le principal outils que l’Homme utilise pour établir cette carte. Sauf que la carte qu’il établit avec ses mots, et en toute inconscience, n’est pas exacte, est erronée. C'est ce que résume Bernard Werber en définissant les défis de la communication: 

« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez en comprendre, ce que vous voulez comprendre, et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre. »

C'est là qu'intervient le méta-modèle linguistique, un concept qui permet de corriger cette carte. D'en affiner les contours. Fruit des travaux de Bandler et Grinder, le méta-modèle linguistique prend appuie sur la grammaire transformationnelle - un concept développé par le linguiste Noam Chomsky - laquelle dispose: il faut distinguer la signification profonde du langage humain (structure profonde) des formes qu’il prend à la surface lorsqu’il est verbalisé (structure de surface). L’objectif du méta-modèle linguistique, c’est comprendre ce que dit l’interlocuteur sans déformer ses propos, sans combler les trous, les blancs, sans interpréter, sans plaquer sa carte du monde sur celle de son allocutaire, sans faire de lectures de pensée. 

« Dès lors que les êtres humains souhaitent communiquer leur expérience du monde, ils en construisent une représentation linguistique complète. Cette représentation est appelée structure profonde, » explique Bandler et Grinder dans leur ouvrage « La structure de la Magie », avant de renchérir: « Au moment où ils commencent à parler, ils effectuent une série de choix (transformations) concernant la forme dans laquelle ils vont communiquer leur expérience. Ces choix, en général, ne sont pas conscients. Notre comportement dans la production de ces choix est, cependant, régulier et gouverné par des règles. Le processus impliquant cette série de choix a pour résultat une structure de surface: une phrase ou une suite de mots que nous reconnaissons comme grammaticale dans notre langue. Cette structure de surface peut elle-même être vue comme une représentation de la représentation linguistique complète (la structure profonde). Les transformations modifient la structure de la structure profonde (soit en supprimant des mots, soit en modifiant leur agencement), mais n’altère pas la signification du point de vue sémantique. »

La structure de la Magie, Bandler et Grinder
En résumé, lorsqu'un événement survient à l’extérieure - dans le territoire, dans la réalité - il passe par nos trois filtres
-  neurologique (nos sens: ouïe, yeux, etc.), 
- culturels (notre vision du Monde est conditionnée pars les mythes, les valeurs, les croyances du groupe auquel nous appartenons) 
- et individuels (notre milieu social, l'éducation que nous avons reçue, les influences exercées par nos parents, nos expériences, nos mentors, etc. ont un impact sur notre façon de percevoir, d’interpréter la réalité).

Ainsi, avant de nous en faire une représentation intérieure - dans notre petite tête, au sein de notre carte, dans la structure profonde -  la réalité du Monde extérieure subit une première transformation. Ensuite, lorsque l'individu désire communiquer cette expérience à l'un de ses congénères, elle repasse par ces trois filtres (notre carte, dans la structure de surface).


Comme le souligne Bandler et Grinder: Lorsque les gens « communiquent leur modèle du monde, ils le font en utilisant des structures de surface (…) La structure de surface est elle-même une représentation de la représentation linguistique complète de laquelle elle est issue, la structure profonde. » La première étape de celui qui reçoit la communication est de déterminer si la structure de surface de la personne qui communique « est ou non une copie fidèle de la représentation linguistique complète, ou structure profonde, de laquelle elle tire son origine. » Attention, le méta-modèle linguistique n'est pas un outils de confrontation. Il permet d'aider la personne à retrouver le plus fidèlement possible son expérience d'origine, à préciser sa pensée, à être plus authentique.

Ces transformations, au nombre de 12, sont regroupées en trois catégories: Généralisation, Omission, et Distorsion.

Quelques exemples, pour illustrer (liste très ténue)
- Généralisation: Je n’arrive jamais à terminer un repas sans une note sucrée. Questions: Vraiment jamais ? Peux-tu penser à un exemple où cela ne s’est pas passé ? Je ne peux pas agir ainsi. Question: Qu’est-ce qui t’en empêche ?
- Omission: J’ai peur. Questions: De quoi ? De qui ? C’est mieux de ne pas poser de questions. Question: Mieux que quoi ? Je ne suis pas motivé. Question: Motivé pour quoi faire exactement ?
- Distorsion: Il ne me fais pas confiance. Question: Comment le sais-tu ?

Une question est une réponse, et toute réponse est aussi une question. « Toute connaissance est une réponse à une question, » comme le disait Gaston Bachelard. Et à Lewis Carroll, dans « De l’autre côté du miroir », d'imaginer ce dialogue: « Quand j’emploie un mot, dit le petit gnome d’un ton méprisant, il signifie précisément ce qu’il me plaît de lui signifier. Rien de moins, rien de plus. La question, répond Alice, est de savoir s’il est possible de faire signifier à un même mot des tas de choses différentes. La question, réplique Humpty, c’est de savoir qui sera le maître. Un point, c’est tout. » N’ayez pas peur de poser des questions. N’ayez pas peur d'accéder à la connaissance, et à l’autre. C'est lui le maître de sa carte. Comprenez la ;)

Pour aller plus loin: 

- Généralisation: On distingue les quantificateurs universels: " Personne ne m'aime" et les opérateurs modaux: "Je ne peux pas abandonner"

- Omission: On distingue les omissions pures: " Je suis en colère", du manque d'index référentiel:  "On m'a dit que", des noms non spécifiques: "Passe moi le truc", des verbes non spécifiques: "Jean m'a blessé", des nominalisations: " Je regrette ma décision", et du manque de comparateurs: " Il est plus grand."

- Distorsion: On distingue le lien de cause-effet: " Ne me parle plus sur ce ton sinon tu vas m'énerver", de la lecture de pensée: "Je sais que ça t'énerve", de l'auteur disparu: "Les français ne se lavent pas" (là, je m'insurge, je me lave :p )

Pour télécharger au format pdf le document ci-dessous, cliquez ici !



Transformation digitale: modélisation, induction / déduction et innovation


Un modèle ressemble plus à une caricature qu’à un portrait, c’est une vulgarisation, des traits grossiers qui, avec du recul, nous donne un sentiment de ressemblance. "Son but est de styliser le réel, d’en rendre saillants les traits importants." C’est une construction mentale, de l’esprit, et dans laquelle la réalité est simplifiée. "Aucun modèle ne peut prétendre être vrai. Seule la question de son utilité est pertinente," explique Luc de Brabandére, avant de rajouter: "Plus l’objectif poursuivi est clair, plus le modèle a une chance d’être efficace." (...)

"Au départ d’une modélisation, il y a toujours un renoncement, celui d’obtenir une image unifiée de la réalité. Ensuite, il y a des concessions à faire. Accepter de ne pas disposer de toutes les informations nécessaires, utiliser celles qui sont disponibles sans en connaître l’origine, reconnaître que ce qui est important n’est pas toujours chiffrable, prendre des hypothèses que l’on sait irréalistes comme la rationalité du consommateur ou la transparence du marché."(Luc de Brabandére). Le modèle n’est donc pas la réalité, mais une imitation de la réalité, une perception. En lire plus !




Commentaires

  1. Je suis entrain de me torturer l'esprit avec des phrases d'exercice du méta-modéle 😥

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés