Correspondants au Moyen-Orient: des Hommes commes les autres
Arabophone, Joris Luyendijk exerce la profession de correspondant au Moyen-Orient. En 2006, il est élu journaliste de l’année par un panel des plus influents reporters internationaux. Trois ans plus tard, il témoigne et pose sur sa profession un regard désenchanté. Prisonnière à la fois des lobbies, d’une guerre incessante des mots, de l’esclavage de l’audimat, de la célérité et de l’impartialité de l’information, etc.
Immergé au Moyen-Orient, Joris part d‘un constat: « les informations ne permettent de voir que ce qui dévie du quotidien, et si ce quotidien est inconnu, ça déforme l’image » avant de conclure: « qu’il est tout simplement pas possible de faire du journalisme dans le monde arabe, » et de renchérir: « pour ma part, cette conclusion s’impose d’autant lorsque l’on met les méthodes journalistiques à l’épreuve d’une dictature [...], car la dictature a longtemps été une abstraction. » En effet, comment penser que, sur place, un journaliste, de surcroît un étranger d’une culture différente, puisse être mieux informé dans un pays où règne la dictature ?
Sans cesse manipulé, impuissant, souvent mis à l’écart, le correspondant ne devient que la bouche d’une information à retransmettre. Qu’un simple présentateur que l’on place au front pour asseoir une crédibilité. Ses principales sources sont les feutrés communiqués des agences de presse : « On pense que le récit des correspondants est le vrai récit, mais en réalité, les correspondants se trouvent au bout de la chaîne, et, bien qu’ils fassent comme s’ils avaient cuit eux-mêmes le pain blanc, en réalité, ils n’ont fait que l’emballer. »
Sans cesse manipulé, impuissant, souvent mis à l’écart, le correspondant ne devient que la bouche d’une information à retransmettre. Qu’un simple présentateur que l’on place au front pour asseoir une crédibilité. Ses principales sources sont les feutrés communiqués des agences de presse : « On pense que le récit des correspondants est le vrai récit, mais en réalité, les correspondants se trouvent au bout de la chaîne, et, bien qu’ils fassent comme s’ils avaient cuit eux-mêmes le pain blanc, en réalité, ils n’ont fait que l’emballer. »
Aussi, comment peut-on résister à des pays qui manient avec splendeur la communication?
« Ce qui compte, ce n’est pas ce qui s’est passé. Ce qui compte, c’est comment ça passe sur CNN », scande à longueur de jour les portes paroles de Tsahal, l’armée israélienne. Un leitmotiv qui n’est pas étranger aux États-Unis. Pour preuve: la guerre du Koweït et l’inquiétant travail des agences de communications Hill & Knowlton, qui renverse l’opinion du Congrès par le douteux témoignage d’une jeune Koweïtie, et The Rendon Group, qui a fourni les drapeaux américains que les Koweïtis exhibent “spontanément” lors du passage des libérateurs. Plus proche de nous, nous avons l’invasion irakienne…
Toutefois, comme le déclare Luyendijk: « Ce n’est pas la faute des journalistes: que le monde se prête peu au travail d’enquête et de couverture journalistique est un fait établi. Mais il est de notre responsabilité de tenir notre public au courant de ce qui est hors-champs [...] de ce qui est le résultat de la manipulation [...] de la façon dont le manque d’espace et de pression de l’audimat ou des tirages incites les journalistes à faire certains choix, ou les leur impose. »
Drôle et cynique, « Des hommes comme les autres » met donc en lumière les difficultés auxquelles sont chaque jour confrontées les correspondants: filtres, déformations, manipulations, partialité et simplifications.
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